72ème congrès – Saint-Etienne- 19-22 Novembre 1987

Un congrès enregistré

Nous commençons à avoir un grand nombre de documents préparatoires (projet de résolution, contributions personnelles…) aux congrès de l’UNEF. Nous en avons aussi qui en sont issus (résolutions, appels…). Plus rares sont les archives qui retracent le déroulement du congrès. Il y a certes les gazettes, journaux de congrès…, des comptes-rendus mais sans les témoignages, il est difficile de cerner l’ambiance, le contexte interne voire les tensions, les débats parfois vifs qui y ont eu lieu.

 

Un congrès fait exception, c’est celui du 72ème congrès qui s’est tenu à Saint-Étienne du 19 au 22 novembre 1987. En effet, à l’initiative d’Emmanuel Marin, secrétaire national qui a joué un rôle prépondérant dans son organisation, décision a été prise d’enregistrer toutes les séances sur des cassettes audio. Nous en avons retrouvé 11. Voici l’Index des enregistrements (72e congrès nov 1987)

 

Des K7 analogiques aux fichiers numériques

Les enregistrements ont été réalisés en séances plénières sur 11 cassettes audio (K7) de 90 minutes comportant 2 faces (A et B) de 45 minutes. Il s’agit de K7 d’assez bonne qualité pour l’époque (7 TDK SA et 4 Fuji FR II). Elles n’ont pas été jouées pendant 34 ans et sont plutôt bien conservées, à l’exception de rares distorsions et bruits parasites qui ne gênent pas la compréhension.

Les conversions analogique/numérique ont été effectuées en décembre 2021 par le moyen suivant : lecture des bandes sur lecteur K7 Luxman K-007 datant (modèle 1987) dont les 2 sorties (Rec Out) sont reliées au moyen d’un câble RCA mâle/mâle sur les entrées RCA Stéréo-Audio In d’un boitier électronique ADS Technologies RDX-150 (appareil fin années 2000, toujours en vente en ligne entre 15 et 60 USD) qui convertit la source analogique en données numériques simples. Ces dernières sont envoyées par un câble USB 2.0 mâle type B mâle/mâle type vers un PC pour être traitées par l’application d’enregistrement et de formatage. Ici un MacBook Air de 2015 sous MacOS Monterey 12.0.1 et le logiciel Audacity® version 3.1.2. Pour le système d’exploitation MacOs, il convient d’effectuer aussi le réglage de l’entrée son sur USB Audio Codec dans la Configuration Audio Midi.

On a choisi un format WAV avec échantillonnage 32 bits flottant pour les fichiers d’enregistrements.

Nicolas Briand

A l’origine, c’est une initiative d’Emmanuel Marin, qui a prévu d’enregistrer le congrès, celui du 80e anniversaire de l’UNEF.

Les K7 me sont revenues puisque j’étais secrétaire général en charge de tout ce qui relevait de l’organisation interne des instances.
Je ne sais plus à quel moment je les ai chapitrées. Assez vite, je crois.
Je les ai toujours conservées comme des archives plus ou moins personnelles.
Elles ont fait un tour chez Laurent Ortalda, quand il est monté au BN.
Il me les a rendues, je les ai stockées ensuite.

PS : les K7 vont être déposées à la Cité des mémoires étudiantes.

Re-PS : Les notes prises par Marc durant les trois premiers jours du congrès : cliquez ici.

Marc Rossetti

Des K7 oubliées pendant plus de trente ans

Quelques extraits audios

* Tout d’abord, un premier extrait avec une intervention d’un secrétaire national se faisant huer par l’ensemble des congressistes.

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* Un deuxième extrait montre les débats qui plus ou moins consciemment agitaient les délégués. Durant une séance présidée par Vincent Markidès, un communiqué de la délégation de Paris VIII est lu par Gilles Alfonsi qui dénonce le projet de constitution de listes pour les élections universitaires n’émanant non plus de l’UNEF mais des comités de luttes. Eric Marazanoff (Tolbiac) tente de s’y opposer (intervention interrompue, la K7 étant pleine).

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* Le troisième extrait est aussi une réponse, un peu confuse, à ce communiqué menée par Marc Rossetti (trésorier administrateur). Gilles Verrier (Sc-Po Paris) lui met en évidence deux écueils à éviter.

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* Le quatrième extrait est un retour en arrière, au début du congrès. Le président sortant, Xavier Aknine, dans son rapport introductif aux débats, tente une définition de la nouvelle stratégie.

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A l’automne 1987, la crise du syndicat est devenue plus que perceptible. Les résultats aux élections de l’année 1987 le montrent. L’UNEF n’est plus le premier syndicat de France depuis les élections de l’année 1985-86 (1982 : 35%, 1985/86 : 23.5%). Et cela sera confirmé par les résultats des élections aux CA des CROUS de mars 1987 (32,24% des voix en 1982 et 18,7% en 1987). Parallèlement, la baisse du nombre d’adhérents est considérable (voir notre numéro n°2 spécial « orga«  de juin 2021). La situation est donc problématique et de nombreuses contributions et interventions s’en font l’écho.

Cependant, l’espoir d’une montée en puissance du syndicat semble à nouveau présent. Le mouvement étudiant de nov-déc 1986 a prouvé que des luttes de masse victorieuses étaient possibles et la tenue des Etats-Généraux étudiants en mars 1987 a  conforté certains dans l’idée que l’UNEF pouvait encore être utile avec une bonne implication de ses militants.

Prudemment, la direction sortante propose l’adoption d’une nouvelle stratégie syndicale qui prendra le nom de « stratégie du rassemblement ». Il s’agit alors pour ses promoteurs de tirer les leçons des difficultés des organisations étudiantes au sein des mouvements étudiants. Le syndicat ne doit pas être un frein au rassemblement et les militants doivent participer à créer les conditions et les structures d’un rassemblement quitte à mettre de côté celles du syndicat. La priorité n’est donc pas de renforcer l’UNEF mais de permettre un rassemblement le plus large possible. Certains et certaines considèrent cela comme un soulagement, une « libération », une façon d’éviter les « réflexes d’orga », d’autres dénoncent alors le risque de dilution du syndicat, le risque de perdre son identité. Les enregistrements mettent en évidence ce débat (voir les extraits audios ci-dessus).

Cependant, les débats durant le congrès ne permettent pas ou peu de se rendre compte des déchirements de la direction à propos de la stratégie à adopter. Pourtant, depuis plusieurs semaines, (plusieurs mois ?) deux grandes orientations s’affrontent essentiellement au sein du secrétariat national. Fredérick Genevée résume cela lors de la réunion de cette instance tenue le 20 octobre 1987 : « Au sein du SN, deux conceptions du rassemblement [existent] : – Partir de l’orga – partir du rassemblement, du développement des luttes ». Plus loin, le même affirme que « la priorité, c’est pas le renforcement du syndicat, c’est le développement des luttes » (notes prises par Marc Rossetti). Ainsi, une orientation souhaitait affronter de plein fouet cette question des effectifs et remettre sur rail cette organisation. L’autre tente de tirer les leçons du mouvement contre Devaquet et privilégier les luttes dans des cadres unitaires, le syndicat ne devant être ni un frein ni une gène pour leur déploiement. Il n’y avait pas unanimité au sein du secrétariat national et une réunion de ce dernier s’est tenu durant le congrès (le 20 novembre) pour définir la liste du futur BN à soumettre au vote des délégués et surtout revoir celle des membres du secrétariat. Cette réunion fut tendue mais un choix très clair a été fait pour ne retenir que les membres du secrétariat en accord avec la stratégie du rassemblement.

Guillaume Hoibian